23 Mai À la mémoire de Christine
Elle poussait la porte de la galerie pour la première fois en 2018, en compagnie de son amoureux, René. Sitôt rentrée, elle me saluait de sa voix-musique. Son « bonjour » n’avait rien de banal. Il était incarné, senti et sincère. Son regard, son sourire, son énergie si singulière, tout de suite, je l’ai aimée. Parce qu’elle était ça, Christine, aimable immédiatement. Attachante sur-le-champ. Un soleil humain, un humain soleil, une femme d’exception.
Jamais je n’oublierai sa façon de regarder les œuvres. En silence d’abord, elle butinait de tableau en tableau, de sculpture en sculpture, dans un parcours désordonné, guidé par l’instinct. Puis, elle se tournait vers moi et s’enclenchaient alors des discussions aussi riches que colorées. Parce qu’elle était ça aussi, Christine, un humain arc-en-ciel. Une femme cultivée, curieuse et passionnée.
Elle est revenue à la galerie une deuxième fois, puis une troisième. Et plusieurs autres fois encore. Nous sommes devenues amies. Nous avions une passion commune pour l’art, pour la vie, et par-dessus tout, pour les œuvres d’André.
J’aimais quand elle arrivait à la galerie, café à la main, avec son calepin et ses crayons. Elle me disait de ne pas faire attention à elle, de poursuivre mon travail et elle s’assoyait près d’une sculpture d’André. Beaucoup trop près d’ailleurs pour bien la voir. Mais ce que qu’elle voulait, ce n’était pas de regarder l’œuvre, c’était de s’asseoir avec elle, comme on le fait avec une amie. Être avec elle, simplement, et s’en inspirer. Après un moment, elle commençait à écrire. Sa main glissait le long de la feuille sans s’arrêter. J’entendais la musique de son crayon sur le papier. Christine aimait les mots. Elle savait les choisir, les unir, les faire danser. Parce qu’elle était tout ça, douée, intuitive, artiste et poète. Quand elle avait terminé d’écrire, elle me faisait toujours la lecture de son poème. Celui-ci est le troisième qu’elle a écrit :
LIBRE
Libre Je Suis
Cœur au vent j’accueille l’horizon
Mains offertes vers les profondeurs
Je suis homme racine
Regard intérieur, je découvre l’immensité
Entre ciel et terre
Libre je suis
À genoux, je suis
Prière devant l’infini
Je porte l’intime espoir
Du lever du jour au crépuscule
Libre je suis
Je serai de toutes les saisons
Je suis d’hier et de demain
Aujourd’hui et maintenant
Libre je suis
Je suis de tous âges et de toutes les nations
Je suis libre fils du vent
Je suis souffle de l’univers
Solide en terre
Libre je suis
Cœur battant j’écoute les âmes
Je suis refuge
Je tisse les liens
Libre je suis
Des poèmes, il y en a eu six. Six moments magiques où Christine s’est déposée avec une œuvre d’André pour l’écouter. Six moments uniques où elle a prêté sa voix, sa sensibilité et son immense talent pour faire parler une sculpture en l’habillant de mots et de beauté. Ses poèmes sont partout dans la galerie. Ils sont un complément inestimable aux œuvres d’André. En mon nom personnel, et en celui d’André, amie Christine, merci. Tu nous manques.
Christine nous a quittés le 11 avril dernier des suites d’une longue maladie. Son départ laisse un vide immense dans nos vies, mais ses poèmes nous accompagnent, au quotidien, et laissent une trace éternelle de la grande âme qu’elle était.
Hélène Bélanger-Martin
Propriétaire de la galerie ROCCIA
18 mai 2024